Extraits disponibles:
Pour des charges électriques très élevées,
on s'attend à ce que le champ coulombien chasse les protons du centre
du noyau vers la surface, que le noyau soit donc en forme de bulle. Le
stage a pour but de confirmer cette conjecture. Nous nous intéressons
uniquement à l'état fondamental de noyaux à symétrie
sphérique.
Ces noyaux hypothétiques (A = 900) sont susceptibles d'être
créés dans les conditions de nucléosynthèse
explosive.
Nous utilisons les méthodes de champ moyen et de BCS, avec le
potentiel de Skyrme (force Sly4). Nous décrivons les corrélations
d'appariement entre nucléons à l'aide du modèle de
"pairing delta de surface". Un algorithme introduisant puis enlevant une
contrainte sur la densité permet de trouver les énergies
les plus basses en fonction de la densité.
Nous montrons alors que l'état fondamental du noyau A=900XZ=274
est un état bulle. Ce noyau présente en fait au moins deux
états stables en forme de bulle.
La prédiction des propriétés des noyaux super lourds ( Z>114 ) est un domaine actuellement très vivant de la physique nucléaire. On commence en effet à savoir créer et étudier ces noyaux en laboratoire, ce qui permet une confrontation fructueuse entre modèles théoriques et observations expérimentales.
Nous nous intéressons dans ce stage à de très gros
noyaux (A ~ 600 et plus), dont nous cherchons à calculer certaines
propriétés de l'état fondamental: spectre d'énergie,
énergie de liaison par nucléon, potentiels chimiques, etc.
Nous ne nous intéressons qu'aux noyaux à symétrie
sphérique.
L'étude est en particulier centrée sur la recherche de
"noyaux bulles". Pour les noyaux usuels, la densité de matière
suit une loi très simple: elle est à peu près constante
à 0.16 fm-3, puis chute brutalement. Pour les gros noyaux,
on s'attend à ce que le champ coulombien, très fort, chasse
les protons du centre vers la surface. Il est donc probable que le noyau
soit en forme de bulle, avec une densité de matière qui s'annule
au centre (On trouve dans l'introduction de [5] un petit historique de
cette conjecture.).
Des résultats sur ce thème ont déjà été
obtenus par une autre équipe du C.E.A., dirigée par J.Dechargé
(communication interne). Modélisant l'interaction forte par le potentiel
de Gogny, ils prévoient que l'état fondamental du noyau A=900XZ=274
est un "état bulle". Dans ce travail, nous utilisons le potentiel
de Skyrme avec les coefficients de la force Sly4. Un de nos buts est de
retrouver les résultats de J.Dechargé.
Ce stage a commencé par une familiarisation avec les outils théoriques mis en jeu: approximation du champ moyen, théorie BCS. Lorsque je suis arrivé, un code de calcul existait, écrit par Paul Bonche. Cependant, ce code n'incluait pas la résolution des équations de corrélation, nécessaires à la description pertinente des gros noyaux. J'ai donc dans un deuxième temps complété ce code, avant de l'exploiter.
Ce rapport est organisé en 5 chapitres.
Dans le premier sont rassemblés quelques résultats classiques
de mécanique statistique quantique. On y développe aussi
le principal outil théorique dont nous avons besoin, l'approximation
de champ moyen. Pour modéliser l'interaction forte entre nucléons,
nous commençons par nous servir du potentiel de Skyrme. Ce potentiel
est présenté et commenté dans le deuxième chapitre.
Les équations de champ moyen obtenues dans le premier chapitre sont
ensuite particularisées à ce potentiel.
Cependant, il s'avère que cette modélisation phénoménologique
est insuffisante. Pour rendre compte correctement des résultats
expérimentaux, il faut introduire des appariements, ce qui est fait
dans le troisième chapitre.
Le chapitre 4 traite de problèmes algorithmiques.
Enfin, les résultats obtenus sont donnés dans le dernier
chapitre.
Tous les calculs numériques ont été réalisés
sur station de travail Sun Spark-5.
Je tiens à remercier tout particulièrement Paul Bonche
pour tout le temps qu'il a bien voulu me consacrer. Il m'a fourni de très
nombreuses explications, que ce soit sur des problèmes théoriques
ou de calcul, et une grande aide pour la mise au point du complément
de son code informatique. Grâce à lui, j'ai aussi pu rencontrer
un grand nombre de personnes travaillant sur le même thème.
Merci aussi à Jacques Meyer pour les comparaisons des résultats
numériques entre le code que je mettais au point et celui dont il
disposait, et à l'équipe de J.Dechargé pour m'avoir
fourni leurs résultats. Ils m'ont bien aidé dans la route
à suivre vers les bulles.
Je remercie enfin toute l'équipe du Spht pour m'avoir accueilli.
Dans le cadre de nos approximations (champ moyen, problème à
symétrie sphérique), nous avons donc réussi à
confirmer la conjecture qui est au fondement de la recherche des noyaux
bulles: pour des charges électriques très élevées,
le champ coulombien chasse les protons du centre du noyau vers la surface.
Nous nous sommes particulièrement intéressés au
noyau A=900XZ=274, pour lequel nous avons obtenu
des résultats qualitatifs intéressants. L'état fondamental
est un état bulle. La matière se regroupe autour d'une sphère
de 10 fm de rayon, avec une densité au centre de l'ordre de 10-4
fm-3. Il existe deux autres états correspondant à
un minimum relatif d'énergie. L'un est une bulle plus petite (8
fm) que celle du fondamental, et dans laquelle un peu de matière
reste au centre (densité de l'ordre de 10-3 fm-3).
L'autre est un état semi- bulle.
Ce travail peut être poursuivi dans de nombreuses directions.
Les calculs ont tout d'abord été faits avec une intensité
de pairing de 1000 MeV. Une valeur plus exacte est 880 MeV. Pour obtenir
des résultats qualitatifs pertinents, il faut prendre cette valeur.
Une cartographie plus complète des états du noyau A=900XZ=274
reste à faire. Une étude de l'état fondamental de
A=900XZ en fonction de Z permettrait de mieux situer
la vallée de stabilité. D'autre part, nous n'avons recherché
un état bulle que pour un seul noyau. Nous ne savons pas à
partir de quelle charge et quel nombre de masse l'état fondamental
d'un noyau est une bulle.
Pour finir, tout le travail a été fait dans le cadre
d'un problème à symétrie sphérique. Il reste
donc à étudier les déformations de ces bulles, ce
qui permettrait de préciser la stabilité de ces états
vis à vis de la fission.
[1] R.Balian, Physique Statistique, École Polytechnique,
1996.
[2] E.Chabanat, Interactions effectives pour des conditions extrêmes
d'isospin, thèse présentée le 20 Janvier 1995
devant l'Université Claude Bernard Lyon 1.
[3] E.Chabanat, P.Bonche, P.Haensel, J.Meyer, R.Schaeffer, Nuclear
Physics A 627 (1997) 710-746
[4] E.Chabanat, P.Bonche, P.Haensel, J.Meyer, R.Schaeffer, en cours
de publication.
[5] K.Dietrich, K.Pomorski, Nuclear Physics A 627 (1997) 175-221
[6] B.Gall, P.Bonche, J.Dobaczewski, H.Flocart, P.-H.Heenen, Z.Phys.
A 348 (1994) 183-197
[7] S.J.Krieger, P.Bonche, H.Flocart, P.Quentin, M.S.Weiss, Nuclear
Physics A 517 (1990) 275-284
[8] A.Messiah, Mécanique Quantique, Dunod, 1964, tome
2, appendice C
[9] P.Ring et P.Schuck, The Nuclear Many-Body Problem, Springer,
Berlin, 1980
[10] J.Terasaki, P.-H.Heenen, P.Bonche, J.Dobaczewski, H.Flocart, Nuclear
Physics A 593 (1995) 1-20
[11] D.Vautherin et D.M.Brink, Phys. Rev. C5 (1972) 626
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